Au début des années 2010, les "monnaies locales complémentaires citoyennes" sont apparues en France avec l'objectif de revitaliser les territoires et la démocratie. A Strasbourg, le Stück est une alternative à l'euro, mais c'est surtout un réseau d'acteurs voulant s'inscrire dans l'économie sociale et solidaire. Nous, membres du Conseil municipal de Strasbourg, sommes invités aujourd'hui à en acquérir en signe de soutien. Ce dernier est nécessaire car, selon les territoires, les monnaies locales peinent à prendre racine, souvent en raison du manque global de compréhension des enjeux monétaires et financiers. Nous vivons dans un pays qui a du mal à parler d'argent et où la relative stabilité actuelle de la monnaie telle que perçue n'incite pas, naturellement, à une réflexion sur ce sujet du quotidien.

Pourtant, dans de nombreuses régions du monde, la population a été dans l'obligation de s'emparer du sujet et ne plus compte plus seulement sur la monnaie dans sa forme traditionnelle, dite fiat, émise par un État et régulée par une banque centrale. Lorsque la monnaie est électronique et décentralisée, on l'appelle cryptomonnaie. Comme l'énonce le Conseil National du Numérique, « l'adoption de cryptomonnaies progresse de manière significative : le Vietnam, suivi de l'Inde, du Pakistan, de l'Ukraine, du Kenya, du Nigeria et du Venezuela ont le plus haut taux d'adoption des cryptomonnaies dans le monde » (Voir rapport « Billets et jetons, la nouvelle concurrence des monnaies », 2021). La monnaie électronique décentralisée permet en effet de constituer des ressources pour résister à la censure (comme ça a été le cas des lanceurs d'alertes Alexei Navalny, Edward Snowden et Julian Assange), de représenter une planche de salut quand on a pas ou plus de compte bancaire après un accident de la vie, ou bien encore d'être une aide précieuse pour des personnes en migration. Prenant le relai des "monnaies marchandises" dans le monde contemporain, les cryptomonnaies font partie des usages numériques de la précarité, n'en déplaisent aux personnes qui les ignorent, au prétexte qu'elles n'en ont jamais eu besoin. 

En France, dans toutes les couches de la population, la monnaie électronique décentralisée gagne du terrain : 10 % des Français en détiennent et 33 % envisagent d'en acquérir en 2025 (Etude ADAN 2025), en particulier du bitcoin. La reine des monnaies décentralisées est née il y a bientôt 20 ans et a désormais démontré sa robustesse, indépendamment des fluctuations de son cours. Encore vu par certaines comme un placement spéculatif dont l'impact environnemental serait néfaste, la littérature scientifique établit aujourd'hui au contraire l'opportunité que peut représenter Bitcoin pour baisser le prix de l'énergie, ce qui est une des grandes préoccupations des ménages, à Strasbourg comme ailleurs. 

En conclusion, qu'il s'agisse de monnaie locale ou de monnaie décentralisée, la diversité monétaire peut permettre une économie plus résiliente, un impact économique local accru, une éducation à la finance décentralisée. La qualité des cryptomonnaies pourraient permettent de plus d'encourager des transitions environnementales à petite échelle. Enfin, une ville touristique comme la notre, a intérêt à approfondir cet aspect à l'instar de plusieurs collectivités en Europe.

Attendu que la ville de Strasbourg souhaite encourager la réflexion citoyenne et institutionnelle sur les cryptomonnaies, leur rôle dans l'autonomie financière des personnes, leurs effets sur l'économie locale et le tourisme, leurs usages par les personnes en précarité, tout en veillant à la protection des usagers, à l'équité entre acteurs économiques et au respect du cadre légal national et européen ; 

Le Conseil municipal invite la Maire et les services compétents à initier une démarche de réflexion et de concertation sur la question de la cryptomonnaie au niveau local, impliquant corps électif, associations de consommation, acteurs économiques locaux, universitaires et experts en économie monétaire et technologies financières ; 

Demande qu'un rapport soit établi et rendu public, analysant notamment : (i) les mécanismes de création monétaire et leurs effets locaux ; (ii) les opportunités, bénéfices et risques liés à une cryptomonnaie locale ; (iii) les enjeux juridiques, fiscaux, économiques, environnementaux et de sécurité liés aux actifs numériques décentralisés (en particulier Bitcoin), ainsi que leurs potentialités en matière de développement local et de création d'emplois ; (iv) les conditions d'inclusion financière et de protection des personnes, particulièrement en situation de précarité. 

Adopté le 29 septembre 2025 par le Conseil Municipal
Rendu exécutoire après transmission au contrôle de légalité préfectoral le 2 octobre 2025 et publication sur le site Internet www.strasbourg.eu le 6 octobre 2025